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jeudi 13 janvier 2011

Autechre


Deux choix s'offrent à un pauvre chroniqueur anonyme devant s'attaquer à un aussi gros morceau. Le premier est une sorte de solution de facilité : une description historique relativement froide de la carrière du groupe, des citations de réactions collectées sur le Net ou dans divers magazines spécialisés, des copier-coller de la bio officielle volée sur le sit tout aussi officiel du groupe. Le deuxième est, à l'opposé, une voie du samouraï : tenter de résumer, en quelques lignes, de la façon la plus honnête possible, l'évolution musicale, ambiante et émotionnelle des compositions, le tout si possible en évitant les éternelles métaphores pontifiantes propres aux comparaisons laudatives des pseudo-journalistes non-créateurs en mal d'inspiration.

Je vais tenter ici d'avoir une approche hybride (que je devrai sans doute réutiliser un jour, car parmi les groupes qui, simple choix éditorial, méritent leur place ici, il y a des Meshuggah, des Aphex Twin, des Dillinger Escape Plan, autrement dit des groupes tellement sacrés que la peur du faux pas est omniprésente, à chaque mot, au détour de chaque virgule douteuse, au-dessus de chaque comparaison, de chaque métaphore et de chaque euphémisme, se balançant comme l'épée de Damoclès, oups, un lieu commun). Tenter donc de retracer l'histoire du groupe sans lasser, tout en parlant de l'évolution du style et du ressenti musical en émanant sans en faire des tonnes.

Et là où les connaisseurs risquent de vouloir ma peau, c'est que mon approche d'Autechre va être totalement orientée par mes propres goûts a posteriori, et que je ne vais donc pas être très tendre avec tous les albums, alors qu'ils ont tous, à chaque putain de fois, proposé quelque chose de neuf. Je vais dire que "Incunabula", le premier album (sorti en 1993) de ce duo anglais, est presque ennuyeux à écouter d'ici. Il est plein de sonorités qui sont alors nouvelles, mais écouté vingt ans plus tard, il n'a plus le même impact, étrange hybride de techno et de ce qui allait plus tard être connu sous le nom de lounge music, ce qu'on appellerait maintenant chill-out, mais qui a alors participé à la création de l'IDM (Intelligent Dance Music). Son successeur, "Amber", l'année suivante, reste dans la même veine, mais offre déjà plus : le style s'affirme, bien que présentant des similitudes troublantes avec Aphex Twin (d'ailleurs, qui a influencé qui ?), les sonorités se creusent ; une évolution qui, pour moi, est confirmée avec "Tri Repetae", en 1995, le premier excellent album du groupe, et pas du tout le dernier (les fans vont commencer à moins m'en vouloir). Les boucles étranges se développent, se ramifient ; les sons, déjà dans l'espace depuis le début, se prennent maintenant les pattes dans des trous de ver, et on sent se pointer les expérimentations avec lesquelles Autechre finira le XX° siècle et marquera le XXI°.

"Dael", première piste de "Tri Repetae" (1997) -- une track révolutionnaire.

En 1997, "Chiastic Slide", sans oser mettre les pieds dans le plat à proprement parler, pousse encore un peu : un peu plus grésillant, un peu plus drum'n'bass surtout, et puis... Paf, la claque. "LP5" sort l'année suivante, et renvoie tout le monde dans les filets. Des mélodies psychédéliques, expérimentales, mais jamais bordéliques, tour à tour caressées et déchirées (arf, les métaphores laudatives dont je me méfiais tant) par des rythmiques sèches, plus ou moins décalées, qui donnent à beaucoup d'auditeurs une impression de froideur musicale, tandis que d'autres se laissent emporter par la douce folie du rendu...

"Arch Carrier", l'aspect calme, expérimental et psychédélique d'Autechre ("LP5", 1998)

La première année du nouveau millénaire voit la sortie de l'album "Confield", où le style d'Autechre s'affiche définitivement, sans honte, mais au contraire avec une fierté immense : tiraillé entre sérénité psychédélique et agitation nerveuse, entre le calme harmonique de mélodies aux sonorités étrangement électroniques et les sombres saccades sèches de rythmiques décalées et triturées, c'est pour moi dans cet album qu'il trouve son équilibre vital. En un mot comme en cent, "Confield" est un chef-d'oeuvre, et tous les albums suivants sans exception en sont. Ce qui est étonnant, c'est l'âpreté de "Gantz Graf", l'EP qui sort la même année, dont le clip de la chanson titre est une merveille infographique, jugez plutôt :

"Gantz Graf", l'aspect violent, expérimental et psychédélique d'Autechre.

La suite est terriblement dure à décrire. "Draft 7.30", sorti en 2003, est un "Confield" poussé encore plus loin. "Untilted", en 2005, est un trip épileptique sous acide. "Quaristice" (2008) est un opus "rebrousse-poil", très éloigné des convulsions de l'album précédent, d'une puissance mélodique qui est restée inégalée dans l'électro pendant deux ans... jusqu'à leur album suivant, "Oversteps", en 2010, qui est, je crois, une des illustrations parfaites du terme "Modern Zeuhl" que j'emploie ici au figuré. Voici le premier titre de cet album :

"R Ess", ouverture de l'album "Oversteps". L'aspect autechrien d'Autechre.

Le reste de l'album est dans cette même optique. Le dernier en date, "Move of Ten", sorti en 2010 également, est un peu plus hybride, un peu plus porté sur l'aspect rythmico-"oh ouais, des basses chelou, délire", au charme plus discret pour ainsi dire. Mais Autechre a toujours été un groupe culte pour certains et incompris par d'autres. Un groupe qui sépare le monde en deux catégories de personnes, sans laisser de place aux simples je-m'en-foutistes. Bref : un groupe énorme.



Site officiel : http://www.autechre.ws/

MySpace officiel : http://www.myspace.com/myslb

2 commentaires:

GrandJu a dit…

2min d'écoute sur la track#1.
Grosse accroche dès les premières boucles.
L'ennui arrive vite cependant :s j'attends de voir le développement (pendant que j'écris en gros) et qq autres après ça avant de repasser par le 'fofo'

GrandJu a dit…

Bon...
Les boucles sont vraiment bonnes!
Mais à part en fond sonore, j'arrive pas encore à apprecier.
Le Gantz graph, c'est là que je les avait déjà vu!!

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