Suivez Modern Zeuhl

Modern Zeuhl est surtout sur Facebook.

dimanche 14 novembre 2010

Ephel Duath


Aussi malheureux que ce soit, nous sommes tous, dans une certaine mesure, réticents au changement, à la nouveauté, à l'inédit. Confrontée à quelque chose de neuf, l'âme n'a plus ses repères et, ne sachant pas où s'accrocher, panique et rejette en bloc.

Déjà dérangée par l'omniprésence de ces soupes populacières radiophoniques vides de sens et de mélodie pour pisseux illettrés qui ne savent pas trop si Beethoven est une marque de chaussures de skate ou la capitale d'un pays balte, mon aspiration à l'éclectisme musical absolu est occasionnellement mise à sac par un petit bijou d'originalité et de refus du consensus artistico-bêtifiant.

C'est par exemple l'effet que m'a fait l'extraordinaire album "Moustache" de Mr Oizo, une merveille si incroyablement et si radicalement différente que sa première écoute ne m'avait laissé à l'époque qu'un étrange goût de fiel dans la bouche. (La deuxième écoute m'avait intrigué, et les quelques centaines d'écoutes suivantes ont été une longue descente aux enfers de l'électro déstructurée dont je ne suis pas sorti indemne.)

Un autre album qui m'a fait cet effet, c'est "Pain Necessary to Know", du groupe italien Ephel Duath. Deux ou trois geeks connaissent sans doute ce nom dans un autre contexte : l'Ephel Duath est la chaîne de montagnes qui forme la frontière entre le Mordor et le Gondor. Les métalleux rétorqueront : "Arf, les références à Tolkien, c'est rien de grave, on a déjà Amon Amarth et Gorgoroth, alors une de plus, une de moins...". Et les lecteurs m'achèveront : "Bon, quand est-ce qu'il parle de musique, ce gros con ?" Relax, ça vient.

Ephel Duath est un groupe italien, plus ou moins de metal, né en 1998. Souvent comparé à des gros groupes de black metal des campagnes à leurs débuts (leur premier album "Phormula", dont il faut reconnaitre qu'il avait des bonnes arrières-odeurs d'église brûlée), ils évoluent rapidement grâce au rajout d'éléments mélodiques et structurels empruntés au jazz : rythmes décalés et riffs progressifs donnent à leur musique une originalité et une "étouffante fraîcheur" tout à fait étonnante. Le deuxième album d'Ephel Duath, "The Painter's Palette", est à ce titre une oeuvre prenante, dont la folie déstructurée ramone autant l'esprit que l'émotion.

"The Unpoetic Circle", sur "The Painter's Palette".

Et puis, le troisième album. "Pain Necessary to Know". Une claque extraordinaire, au sens étymologique du terme. Les ingrédients sont les mêmes, l'inspiration est la même, mais la folie est poussée des kilomètres au-delà de l'endroit déjà obscur où "The Painter's Palette" s'était arrêté. Le line-up des deux albums est le même : il a été rassemblé par l'unique survivant de la formation initiale, qui a remonté "son" projet avec des musiciens tous sans expérience dans le metal. Le pari est réussi : "Painter's Palette" est une tentative à l'originalité remarquable, puis "Pain Necessary to Know" est une plongée audacieuse et démesurée dans la brèche ouverte par l'album précédent.

"Vector, Third Movement", sur "Pain Necessary to Know".

Une plongée si stupéfiante que mon esprit a dans un premier temps refusé de la faire à son tour ; mais à force de sentir que je la souhaitais, j'ai fini par le convaincre de s'y engager corps et âme (sic), et c'est une expérience qui a radicalement changé ma sensibilité musicale et notablement remodelé mon idée de l'Art (la piste "Few Stars, No Refrain and a Cigarette", notamment, est une véritable ode à la folie artistique).

Le dernier album en date, "Through My Dog's Eyes", a été tellement plus facile à accepter que c'en fût presque une déception... Je dis bien "presque" : il est tellement bon et beau qu'on lui pardonne très volontiers son sang-froid.

"Nina", sur "Through my Dog's Eyes".



www.myspace.com/ephelduath

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire